De Borne à la ferme auberge de la Salamandre : 15km et 3 semaines de woofing
- Estelle Prezza
- 30 juin 2020
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 août 2020

La randonnée menant au Pré Martal
Boris m’a montré l’itinéraire, rien de bien compliqué sur le papier. Le lundi 1er Juin nous nous mettons en route vers 9h. Ulysse est heureux ! Nous empruntons l’ancienne route de Borne, bien caillouteuse, qui mène à Glandage. Ulysse se réfugie dans l’herbe. Nous avons le droit à un petit spectacle de la part des vautours fauves qui nichent sur les parois calcaires des gorges du Gats. Arrivés au village de Glandage nous nous élançons en direction du hameau du Pré Martal par le sentier menant au col La Croix. Nous arrivons à une intersection : à droite le col La Croix ; à gauche, le col La Croix par la direction du col Sambue. Je m’élance à droite après un peu de questionnement cérébral, car je ne me souviens pas si Boris m’a spécifié un sentier en particulier. Ulysse bloque un peu, mais après quelques paroles d’encouragement, il me suit. Pendant 30 min nous montons tranquillement à travers à la forêt. La côte commence à être plus raide et le chemin étroit. Tout à coup, nous voilà face à une énorme marche dalleuse de 70 cm de haut et qui s’étend sur 2m. Aucun moyen de contourner. Je contacte Boris, qui me confirme que je ne suis pas sur le bon sentier. Demi-tour ! Je garde mon calme même si je m’en veux un peu d’infliger 1h supplémentaire de parcours à Ulysse qui n’est pas droit dans ses bask’.

Au croisement je fais la pause repas. Des promeneurs sont là et me proposent de partager leur salade de riz, j’accepte volontiers ! Ulysse se fait remarquer en commençant à se rouler alors qu’il est sellé ! Je discute avec le plus âgé qui connaît soit disant le coin comme sa poche. Il me dit que le col Sambue passe beaucoup plus facilement et qu’il faut que j’abandonne la suite de mon itinéraire qui devait passer par le hameau de Beau-Buisson au profit d’un détour de plusieurs kilomètres. Celui-ci m’explique qu’un ermite vit aux abords du hameau et qu’il a coupé tous les sentiers avec du fil barbelé car des chevaux sauvages venaient sans cesse lui poser des problèmes. Ces mots me déroutent. Avec l’itinéraire qu’il me propose, la rando est beaucoup plus longue et l’effort pour Ulysse également.

Au moment de repartir, Ulysse ne veut pas avancer. Il veut bien faire demi-tour mais ne veut plus avancer. J’essaie de joindre Claire, l’ancienne compagne de Boris, pour avoir son avis. Au téléphone je craque, je sens qu’Ulysse n’a pas envie. Elle me rassure en me disant que le col La Croix passe très bien, et toute la suite de l’itinéraire également. Elle va contacter des personnes qui habitent après Beau-Buisson pour vérifier cette histoire de sentier coupé même si une de ses connaissances l’emprunte régulièrement avec sa comtoise. Elle m’invite à prendre une heure pour me poser un peu. Après avoir raccroché, je reprends mes esprits et Ulysse veut bien marcher.
Nous passons le col La Croix sans embûches. Arrivés à Beau-Buisson, je vois un premier sentier qui tourne à gauche mais je continue tout droit, pensant que c’est l’entrée qui mène à l’habitation de l’ermite. Plus bas, une fontaine offre de l’eau à Ulysse. Je continue le chemin puis peu à peu je me retrouve face à des troncs trop bas pour permettre de faire passer Ulysse. Je me demande comment peut-on passer avec une comtoise plus grande et plus large qu’Ulysse. Je contourne par les broussailles, nous avançons doucement dans la nature vierge. Je m’aide de la géolocalisation de mon téléphone pour rester proche du sentier. Tout à coup je me retrouve face au barbelé. Je peux le détacher et le refermer pour continuer d’avancer. Nous traversons tout doucement les broussailles, arbres et ronces. On arrive face à un précipice. Demi-tour. Ulysse tombe sur les genoux au détour d’un rocher. Je retourne à la fontaine, un autre sentier semble descendre plus bas mais inaccessible pour Ulysse. Plus haut j’avance sur un autre sentier qui mène à la cabane de l’ermite. Demi-tour. Je commence à désespérer. Pourquoi donc je me perd autant ? Une fois de plus j’ai mal préparé mon itinéraire et Ulysse en paie les conséquences. Après 10min, Claire me rappelle pour me confirmer que le sentier est bien là, que les barbelés sont les vestiges de l’ancien ermite. Elle m’incite à aller voir l’ermite, que celui-ci m’indiquera le chemin. Elle me propose aussi de m’arrêter au prochain hameau pour y passer la nuit et reprendre mes esprits. Je vais donc voir l’ermite, qui m’explique très gentiment où se trouve le sentier et me dit qu’il est justement en train de préparer un panneau ! Quel brave homme !
Nous remontons donc, et je retrouve le départ de sentier que j’avais aperçu avant de m’égarer. Je l’avais complètement oublié ! Je me suis laissé submerger par les craintes de l’homme que j’ai rencontré à midi. J’appelle Rémi, j’ai besoin de ses mots pour faire le tri dans ma tête. Son objectivité me permet de retrouver un peu de sang froid. Je n’oublierai jamais ses mots « Ulysse souffre peut-être, mais maintenant vous êtes en route, et quoi qu’il arrive il faut que vous sortiez de cette forêt ensemble ». Je reprends ma route et peu à peu je visualise mentalement mon objectif : le hameau de Soubreroche, où l’on a fait la transhumance des juments avec Boris. Le sentier est forestier, et Ulysse marche volontiers. Nous croisons un groupe d’une vingtaine de personnes. Ceux-ci nous ouvrent la voie en se mettant sur le bas côté avec l’impulsion d’une vague. On nous déroule presque le tapis rouge ! Cette image me redonne de l’élan. A un kilomètre du hameau, Boris me rappelle pour m’encourager et me dire que depuis Soubreroche, je ne serais plus qu’à 1h de Pré Martal. Cela fait un peu de chemin dans ma tête : si je ne suis plus qu’à 1h, je ne vais pas rester une nuit à Soubreroche pour faire l’heure demain tandis qu’Ulysse sera courbaturé. Nous passons donc le hameau et nous nous élançons sur le sentier muletier de l’échelle (sentier que le vieil homme m’avait également déconseillé le midi). Ce chemin empierré permet de descendre de 100m de dénivelé du haut de la falaise par des lacets étroits. Il donne une vue incroyable et vertigineuse qu’Ulysse apprécie en faisant quelques pauses.

Enfin nous arrivons au Pré Martal et Florence m’accueille chaleureusement avec un couple de woofeurs : Baptistine et Martin. Nous montons tous ensemble le parc d’Ulysse. Il semble bien ici, il est très calme. Je suis soulagée d’être arrivée à bon port ! Quelle journée éprouvante ! Luc arrive ensuite et constate mon état de fatigue. Cette journée m’a épuisée. Mais j’ai compris qu’il était strictement nécessaire de poser mes objectifs et de bien préparer mon itinéraire, même pour une simple journée de rando. Et de ne pas me laisser submerger par la peur des personnes que je peux croiser sur mon chemin. Mais surtout, je suis remplie de gratitude envers toutes les personnes qui ont su m'encourager et m’accompagner au cours de cette journée.

La ferme auberge de la Salamandre
Luc et Florence sont ici depuis 3 ans. Luc est paysan, boulanger, cuisinier de l’auberge et s’occupe de la partie communication de la ferme. Flo est maraîchère, thérapeute Ayurveda et gère l’accueil. Rien qu’ça !
Le potager permet d’alimenter la cuisine de l’auberge qui accueille principalement des stages de développement personnel sur plusieurs jours. Un cochon, une cinquantaine de poules, une vingtaine de brebis et Olga, la Border Collie viennent ajouter un peu d’animation au cadre idyllique de la ferme : une petite vallée entourée de petites montagnes, surmontée d’un rocher surnommé le Gardien.

En tant que woofeurs, on s’occupe de nourrir les animaux, ramasser les œufs, entretenir le jardin, participer aux récoltes et transformer les légumes en cuisine. J’ai passé les premiers jours au jardin avec Flo. Ce grand jardin permacol est aussi un lieu d’expression libre. Non pas que l’on y dit ce qu’on veut (quoique) mais qu’il n’y a pas de méthode réellement imposée. Florence se laisse chaque jour inspirer par le lieu pour y trouver les tâches à réaliser dans la journée. Quand Luc vient au jardin, la mouvance est similaire. Et lorsque l’un d’eux fait le choix individuel de créer une planche à tel endroit il n’y a pas forcément de concertation, mais plus de l’acceptation car si quelqu’un a eu cette idée à cet instant alors c’est qu’il s’agissait de la bonne. Évidemment, Luc et Flo ont un bon sens similaire qui leur permet de s’accorder, mais surtout un grand lâcher prise. C’est pour cela que je parle d’ expression libre. Chaque action dans l’espace formera une expérience qui sera un apprentissage pour chacun. Comment vous dire que je me sens déjà bien ici ?

J’ai passé aussi du temps en cuisine avec Luc. Non seulement on se marrait bien, mais en plus il n’hésitait pas à m’expliquer leurs choix dans la réalisation de cette ferme. La ferme auberge, c’est leur tremplin vers l’autonomie : la structure économique qui va leur permettre d’obtenir un espace qui les mènera à l’auto subsistance dans une dizaine d’années. Luc fait aussi son propre pain au levain, à partir de la farine de Petit Épeautre qu’il cultive sur la ferme. A tomber par terre.
De l’humanité
Ici, ça grouille ! Il y a du monde partout ! J’ai passé deux semaines à Borne à me retrouver avec la chance de passer chaque soirée en Yourte. Ici, je suis en camion et tous les repas sont partagés à la Yourte des hôtes. Ça me fait du bien aussi de passer du temps avec Baptistine et Martin qui sont de mon âge. Plus tard, arrive la mère de Luc et un ami des hôtes : Francky. Ce dernier a déjà travaillé en traction animale avec Boris. Il vient du Jura, et connaît l’un de mes amis de BTS ! Que le monde est petit !
Au cours du premier week-end de Juin, un couple d’amis est venu du Trieve rendre visite à Florence. Remi est accompagnateur montagne et Charlotte élève des mules et ânes. Ils ont généreusement pris le temps de préparer l’itinéraire de ma prochaine rando. Enfin le plus gros morceau : de Boulc jusqu’à Grenoble. Le croisement de leurs compétences a permis d’obtenir un itinéraire qui se réalise facilement à cheval. Un sacré coup de pouce ! Remi m’a même donné sa carte sur laquelle nous avons regardé le sentier. Que de cadeaux ! Merci encore à eux !

Ulysse, Culysse, Grolysse, Sully
Voilà qu’au hameau du Pré Martal, Ulysse se garnit d’une galerie de surnoms ! Avec Taomé, le fils de Flo et Luc, nous prenons du temps pour nous occuper de lui. Je le fais monter sur son dos. Ulysse est quand même une sacrée bonne pâte. Je suis ravie de pouvoir partager ma passion grâce à lui !

Son état lui n’évolue toujours pas. Avec Francky on constate une bosse au niveau du sacrum qui nous semble anormale. Ça me semblerait alors logique qu’il boite en descente s’ il est bloqué au niveau du bassin : il ne peut peut-être pas se déhancher normalement. Je pense qu’il a besoin d’un ostéo. Ceci dit, je ne comprends pas tout. J’ai besoin de réponses. Une amie de Flo, Sandra, fait de la médecine symbolique avec des baguettes coudées. Je lui propose d’intervenir pour y voir un peu plus clair.
Vendredi 12 juin, Sandra se présente avec son compagnon. Lui aussi commence à faire de la médecine symbolique. Une opportunité de travailler avec le féminin et le masculin s’offre à nous. Les démarches holistiques, moi j’aime bien ! Sandra me demande simplement de raconter notre histoire et nos objectifs avec Ulysse. Je ne lui fais pas part de mes premiers diagnostics sur l’état actuel d’Ulysse pour garder le champ libre aux interprétations. Un sondage permet déjà de mettre en évidence une douleur au niveau du bassin, et plus particulièrement au niveau du sacrum et coccyx. Elle serait reliée à un événement passé d’il y a 4 ans et demi. En interrogeant « les baguettes », nous arrivons à décrypter qu’il s’agit de la période où Ulysse a été vendu à sa premiere propriétaire, Charlotte. Lui qui souhaitait voyager, n’a pas pu mettre en action ses envies. Le bassin, coccyx et sacrum sont le symbole de la puissance et de la mise en œuvre dans le plan réel. Intriguée, Sandra pousse plus loin le questionnement pour voir si cette zone liée à la puissance est aussi reliée à la sexualité. Il en ressort que le coccyx a aussi été fragilisé lors de la castration, d’où sa difficulté à faire valoir sa puissance aujourd’hui, à galoper avec de l’entrain. Tout ceci m’a déjà beaucoup éclairée ! J’ai compris qu’après nos 5 premiers jours de rando nous étions dans une grande harmonie avec Ulysse. En le mettant au pré en arrivant à Borne, il s’est senti « enfermé », et il a dû revivre cette blessure émotionnelle de ne pas pouvoir mettre en action son désir de voyager, ce qui a fragilisé son bassin.

Ensuite nous cherchons à en savoir plus, avec la présence ou non de « trou » dans le corps subtil comblé par une entité extérieure à celle d’Ulysse. Il s’agit seulement de déséquilibre dans le champ énergétique qui nous entoure. Et comme dans tout dans la nature, lorsqu’il y a un vide quelque part, il se remplit pour conserver un certain équilibre. Simplement, dans ce genre de situation, si le vide est comblé par une entité, il n’y a pas de guérison. Cela agit seulement comme un pansement qui pompe de l’énergie. C’est souvent le cas des blessures chroniques chez les animaux. Une était présente entre la pointe de l’épaule gauche et le coude d’Ulysse (sur le même membre où il était légèrement gonflé vers le genou, sans diagnostic réellement explicable de la part de mon ostéo et veto habituels). Elle serait liée à un événement qui se serait produit il y a 2 ans et demi et qui lui a provoqué une grande peur. Elle possède plusieurs points d’ancrages : du sacrum jusqu’à la pointe de la queue (en lien avec le chakra racine : sa capacité à mettre en œuvre sa réalité), l’organe sexuel (en lien avec le chakra sacré : ses capacités à ressentir son énergie vitale) et le front (en lien avec le chakra de la clairvoyance : sa projection mentale de ses désirs dans le réel). Sandra a procédé à un soin énergétique grâce à des huiles essentielles pour nettoyer et favoriser la guérison.
Enfin, nous avons demandé si quelque chose d’autre était nécessaire. Les baguettes nous ont alors guidés, le compagnon de Sandra et moi, de manière à entourer Ulysse des polarités féminine et masculine, simplement par notre présence. Elles nous ont disposés au niveau des hanches d’Ulysse, chacun d’un côté dos à son corps, puis au niveau des épaules de manière à rééquilibrer ses polarités. Ensuite les baguettes m’ont disposée à l’avant d’Ulysse, face à lui à quelques mètres. Puis les baguettes m’ont invitée à serpenter tout doucement jusqu’à la tête d'Ulysse, de manière à rééquilibrer son intuition. Le compagnon de Sandra a été disposé derrière Ulysse, pour rééquilibrer sa puissance masculine. Après quoi, les baguettes ont indiqué que le soin était terminé. Cette très belle expérience nous a rappelé à Ulysse et moi cette notion d’équilibre dans notre couple : lui étant la force entraînant le mouvement et moi le guide de l’itinéraire. Depuis ce jour Ulysse me parle beaucoup plus : il hennit, fredonne dès que je viens le voir, m’occupe de lui. J’ai beaucoup aimé cette technique des baguettes coudées associées à la médecine symbolique qui permet de mettre en évidence des déséquilibres mais de manière très factuelle, sans émotions particulières et sans jugement de valeur. On y croit ou pas, de mon côté j’ai eu des éclairages concernant Ulysse. Bon ça on avait compris : il aime voyager. Mais il a besoin d’une relation qui lui garantit une sécurité : celle du respect de ses besoins. En fin de séance nous avons simplement demandé s’il était nécessaire d’avoir une intervention ostéopathe, ce qui a été confirmé. Une ostéopathe est donc intervenue le mardi 16 pour débloquer son bassin mais aussi son sternum.

Nous projetons de partir le dimanche 21 Juin en direction de Chambéry. Soit une dizaine de jours de rando et quelques jours de repos. Ulysse est de plus en plus impatient et me demande chaque jour de sortir. Patience poney !
A bientôt ! Estelle
Que d'aventures ! un peu stressantes, je te l'accorde, durant cette randonnée, heureusement que tu as un mental bien préparé, que c'est un mal pour un bien, désormais tu peaufineras ton trajet pour affronter un minimum de difficultés imprévues. C'est en forgeant qu'on devient forgeron....(n'est ce pas Elsa?). En tout cas chapeau pour tes performances, surtout pour une cavalière de compétition qui, au départ, n'aimait pas les longues ballades ! Gros calinous à Ulysse et grosses bises à toi. Mam's.