La ferme du Hibou
- Estelle Prezza
- 11 juin 2020
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 août 2020
Apres 5 jours de randonnée, me voilà arrivée le 15 mai 2020 pour vivre deux semaines dans le sud du Parc naturel du Vercors, à Borne sur la commune de Glandage. Le hameau est enclavé entre la montagne du Pinchinet et le Pétarel, en amont des gorges du Gats.

Un élevage de chevaux
Ici Boris élève des chevaux destinés au travail en traction. Il s’agit d’animaux forts et robustes capables de réaliser du travail au champ. Pour cela, pas de race en particulier, mais un fameux mélange déjà présent au sein du pédigrée de Baykal, l’étalon de la ferme : du merens, de l’ardennais et du fjord. Les trois poulinières de gabarit différents (comtoise, camarguaise, et cheval de selle) permettent d’obtenir chaque année une gamme de poulains plus ou moins trapus et grands. J’aime beaucoup cette variété des poulains qui permet de proposer des animaux adaptés aux besoins des clients. Les poulains sont dociles et grandissent en devenant des chevaux calmes ayant confiance en eux. Le troupeau vit à l’année en extérieur, dans des pâtures escarpées, aux différentes couvertures de sols (forestier, herbeux et caillouteux). Étant issue du milieu équestre « classique », cela m’a fait plaisir de pouvoir observer ces animaux dans un environnement varié et propice à leur santé, favorisant leurs capacités d’adaptation. J’ai pu repérer la diversité des substrats lorsque nous avons vérifié les clôtures du parc destiné aux juments. Les chevaux peuvent y trouver des abris naturels, des grattoirs, des aires de repos (zones planes), des zones escarpées menant à des espaces herbeux, des substrats différents pour user la corne de leurs sabots, et puis surtout : de l’herbe ! Bref, j’ai découvert des habitats naturellement accueillants pour le développement des équidés.
La transhumance
La première semaine de mon séjour nous avons réalisé la transhumance des juments ainsi que de leurs poulains de l’année et de l’année passée. Pendant une matinée, à cheval sur les juments, nous avons guidé le troupeau jusqu’au nouveau parc. L’enjeu est de conserver le rythme et un troupeau relativement groupé pour déjouer les mésaventures des poulains plus âgés, assoiffés d’aventures ! J’étais à cru sur le dos de la jument au sang camarguais. C’était tellement agréable d’être si proche de l’animal, de sentir sa démarche, mais surtout son envie frénétique d’aller de l’avant. Elle ne supportait pas que l’on s’arrête pour attendre les autres : elle trépignait, secouait la tête. Elle connaissait l’objectif de ce trajet. Il y a cette sensation presque indescriptible de liberté et de légèreté lorsque l’équidé veut nous emmener à la bonne destination. Vous pouvez tout lâcher, étendre les bras, ressentir le souffle de l’air qui vous frôle dans le mouvement (et qui vous rafraîchit les aisselles au passage…), vous relâcher complètement et pourtant vous êtes dans la mouvance. Avec cette sensation de planer comme un faucon, la vue sur les cols verdoyants de la forêt du Claps, on se sent léger, faisant corps avec l’instant présent et son environnements. J’adore ça. Cela m’a rappelé combien j’aimais monter sans selle pour faire corps avec l’animal. Après quelques heures sur une piste forestière, nous sommes bien arrivés à destination avec toute la troupe. Tout ce petit monde était bien heureux de retrouver de l’herbe ! Quelle belle matinée ensoleillée.

Le travail des chevaux
Boris utilise son étalon Baykal pour travailler son jardin. En cette fin de première semaine nous allons lui atteler une ancienne charrette de l’armée suisse pour transporter du compost jusqu’au jardin. Boris laisse au repos pendant un an la zone d’alimentation hivernale des chevaux. Ainsi, le crottin sur place se décompose et permet d’obtenir au bout d’une année un compost léger et facilement utilisable. Belle astuce ! Nous voilà donc à équiper Baykal, une première pour moi qui n’ai jamais attelé de chevaux.

C’est le printemps, et il est très émoustillé ! Il a très envie de bouger, de libérer son énergie ! Il nous fait quelques surprises mais reste globalement à l’écoute. Nous chargeons et déchargeons le compost à la pelle. Un petit peu d’effort physique qui ne fait pas de mal ! Quand Baykal s’est calmésur la fin, j’ai pu prendre les rênes, je ne m’en sentais pas capable avant. Bon, il avait bien compris que c’était le retour à la maison. Mais c’est assez impressionnant de sentir que la puissance d’un cheval de 800 kg tient entre deux mains via la paire de cordes qui le dirige et le ton de la voix. Ou devrais-je dire l’intention dans la voix. Boris souhaite cette année faire ses foins en meule, uniquement en traction animale. de quoi conserver les savoirs faire mais aussi une grande qualité du fourrage. J’ai hâte dans le futur de prendre davantage de temps pour travailler sur ces techniques d’utilisation du cheval.

Vers midi, nous terminons et Boris me propose de ramener Baykal à son pré à cru, je suis ravie pensez-vous bien ! Ce cheval est magnifique. Du haut de son dos, je contemple les Rochers de la Montagne de Belle Motte jusqu’à son pré. Je me sens si bien contre le poil d’été de ces animaux !

Plus tôt, Boris m’a proposé de tenter de mettre un licol à l’un de ces poulains. Le dénommé Isope ne se laisse pas facilement approcher et est craintif. Il est complètement différent de l’ensemble des poulains nés ici. Je me prépare alors mentalement pour aller le voir chaque jour pour simplement le caresser. Mon idée est qu’il prenne confiance en l’homme. Car au contact, Isope sursaute et fuit. A chaque fois je souhaite qu’il ne s’éloigne pas, c’est moi qui décide de m’éloigner de lui. Le 3ème jour il y a déjà une nette amélioration, il est beaucoup moins fuyant et j’arrive à lui caresser l’encolure. Mais lorsque je me dirige vers l’arrière main, il s’en va. Le 4ème jour je décide d’aller le voir avec une corde à la main, pour qu’il voie ce nouvel objet. Je lui fais simplement sentir et je lui caresse l’encolure avec le flot de corde à la main pour le désensibiliser. J’arrive même à faire le tour de son cou avec. Je suis ravie de cette réussite et nous en restons là. Le 5ème jour je sens que je pourrais lui mettre le licol. Je l’emmène donc avec moi. Je garde la corde car c’est un instrument bien plus silencieux que les boucleries du licol. Comme la veille, je le caresse, le rassure, lui parle. Je lui mets de nouveau la corde autour du cou, puis lentement j’ajoute une boucle supplémentaire et lui passe le nez dedans. Le voilà avec un joli licol de fortune. Dès lors, je lui demande de me suivre pour qu’il sente qu’à présent nous sommes liés. Ces premiers pas marquent un tournant décisif dans notre relation. Isope montre une plus grande confiance en moi et me laisse plus facilement approcher. J’entame alors une désensibilisation au licol en le caressant avec, en l’agitant pour qu’il ne s’effraie plus au son des boucles. Peu à peu son regard s’apaise. Mais il ne me laisse pas passer le bras au dessus de son encolure. Je fixe alors un morceau de ficelle au bout du licol pour rallonger la lanière que je dois passer dans la boucle. Ça me permet d’attraper cette lanière sans avoir à passer le bras par-dessus son encolure. Je peux boucler cette première partie. Il reste encore le nez à passer. Quand je tente de le faire il recule, panique, et tente de fuir. Je dois agir avec finesse et agilité. Je m’y reprends en plusieurs fois, tout doucement pour glisser son nez en douceur dans le licol. Isope ne supporte pas la violence. Enfin nous y arrivons ! Il me reste simplement à retirer la corde qui est en dessous, très délicatement pour ne pas l’effrayer. Une fois l’opération réussie, je le fais à nouveau marcher derrière moi, pour qu’il s’y habitue. Il ne supporte pas bien la tension sur sa longe et dans sa nuque, mais pour aujourd’hui cela suffira !

Je propose alors à Boris de l’habituer à monter dans un van pour qu’il soit moins craintif lorsqu’il faudra le charger lors de sa vente. C’est avec plaisir que le lendemain Boris me met à disposition un van pour la semaine. Nous procédons encore par étape. Déjà le premier jour, sortir du pré, me suivre et voir un nouvel environnement dégage beaucoup d’émotions pour Isope. A chaque sortie il prend davantage confiance en lui. D’étape en étape, en 3 jours il monte dans le van. Je suis si fière de lui. Il apprend très vite ! A présent il vient au pré et il est ravi de recevoir quelques gratouilles. Il reste très sensible, mais ce trait de caractère en fera un cheval capable de ressentir des demandes très fines. J’ai énormément apprécié pouvoir travailler ce jeune étalon avec la confiance de Boris. Travailler avec méthode, douceur et surtout écoute. Cela m’a rappelé combien j’aimais communiquer avec les chevaux, trouver leur sensibilité et construire une relation avec eux dans l’échange et la confiance. Merci Isope. Merci Boris

Le jardin vivrier et des constructions
Le reste du temps à la ferme j’ai pu participer au travail du jardin vivrier. Désherbage, préparation des planches et semis ont été les activités de ce début de printemps. Cela me fait du bien de remettre les mains dans la terre, de répéter les gestes maraîchers enseignés à la ferme des Voloteux. Bon, j’ai fait quelques boulettes sur mes matinées en autonomie : j’ai désherbé des persils et des œillets d’Inde par mégarde. Oupsi ! Seuls les œillets ont pu être sauvés ! Les persils eux, sont retournés à la Terre mère. J’ai pu observer le dimensionnement et la disposition de ce jardin. C’est un exemple supplémentaire que je range dans le tiroir « jardins vivriers » de mon armoire cérébrale.
Enfin, j’ai aussi participé aux travaux de la fondation de la future maison de Boris sur la ferme. C’était très intéressant de pouvoir comprendre et imaginer le futur habitat en bois. Un autre exemple rangé dans le tiroir « habitat », en plus de la yourte dans laquelle je suis restée ces deux semaines.

Et Ulysse dans tout ça ?!
Pour Ulysse, les premiers jours ont été compliqués. J’ai fait l’erreur de le mettre dès son arrivée et sans repos préalable, dans un grand pré avec Isope et un hongre de 6 ans. Je pensais lui faire plaisir en l’insérant dans un groupe. Malheureusement les 2 compagnons le chassaient régulièrement et le bottaient. Au bout du 5ème jour j’ai pris la décision de le changer de pré pour le mettre près de la Yourte. Il était un peu gonflé au niveau du genou. Cela ne semblait pas le gêner dans sa démarche jusqu’à ce que je m’aperçoive que sur un terrain caillouteux il boitait. Je m’en suis voulue de ne pas avoir su entendre son besoin de repos après nos jours de rando. Les jours ont passé et malgré les soins à l’arnica, helicryse, argile et deux douches quotidiennes, ce n’est qu’à la fin de notre séjour que cela a un peu dégonflé. J’ai pu le placer avec des poneys calmes, avec qui il s’est rapidement intégré.

Il a eu le temps de refaire des forces et s’est montré très demandeur à sortir sur les derniers jours. J’ai donc programmé la randonnée d’une journée jusqu’à la prochaine étape : la ferme auberge de la Salamandre le lundi 1er juin.
Les détails de cette journée dans un prochain article !
A très vite !
Estelle

très bel article ! Ça fait plaisir de suivre ton aventure ! ;)
Juste a coté, y'a un site d'escalade vraiment magnifique et insolite : les sucettes de borne . Bon voyage bises Ludo
Tes photos sont magnifiques !! Continue à nous enchanter. Dom