Les Chevaux de la Joie, La Muraz
- Estelle Prezza
- 26 août 2020
- 7 min de lecture

Nous débarquons le mercredi 8 Juillet à La Muraz, village qui borde le mont Salève (1300 m d’altitude en moyenne) au Sud-Est de Genève. Valérie nous accueille dans son centre équestre. Elle me confie que le jour où je lui ai confirmé ma venue, l’un de ses woofeurs s’est désisté. C’est une bonne nouvelle pour moi, car je vais pouvoir m’immiscer au sein de sa structure proposant de l’équi-thérapie.
Une petite écurie au grand cœur
Les Chevaux de la Joie c’est d’abord un troupeau d’une dizaine d’équidés dont quelques-uns sont des pensionnaires annuels. Aria est la jument la plus âgée et la meneuse du groupe. Du haut de ses traits arabes et de ses 24 ans, tout le groupe la suit dans ses décisions. C’est aussi la première jument de Valérie et leur caractère commun est assez surprenant ! Elle est secondée par Molly, une croisée haflinger de 18 ans. Sa pouliche d’un an nommée Jaya a des allures de licorne avec sa robe crème et ses doux yeux bleus. Minco est un hongre pie au caractère marqué comme celui de sa mère Aria. Utha est un bel hongre de 11 ans aux allures espagnoles et arrivé aux écuries il y a 4 ans. Enfin Bambou est la ponette friponne du groupe ! Les autres chevaux et poneys sont en pension et participent à l’équilibre du groupe. Chacun a sa place bien définie. Ils profitent d’une grande stabulation libre mitoyenne aux bâtiments de la structure. Ce système permet de les avoir « sous la main » pour travailler avec eux. Ils passent les nuits et week-end en pâture.

Pendant mes demi-journées de woofing j’ai pu participer à l’accompagnement des groupes d’enfants en stage d’été, aux soins des chevaux, au nettoyage des écuries et à l’entretien du petit jardin permacol. Tout ceci m’a permis de prendre du temps pour observer la méthode enseignée par Valérie. Si je devais décrire l’éthique du lieu, je crois que je ne dirais pas qu’on apprend à monter à cheval ici, mais plutôt que l’on vient partager du temps pour soi avec un animal. Ici, on vient pour faire tomber ses masques, regarder ses blessures intérieures et les soigner, simplement en s’accordant du temps avec l’animal. Lui, il ne fait qu’être présent ici et maintenant, il ne perçoit pas nos masques, il ne communique qu’avec le vivant, avec l’Être. C’est ainsi qu’il est nécessaire de lever ses propres voiles de souffrance pour s’ouvrir à soi-même et pouvoir échanger une relation entière avec l’animal. Valérie soutient cette dynamique avec ses chevaux qu’elle connait parfaitement et ses outils pour mieux se trouver à l’intérieur, dans le non palpable. Elle m’a offert deux moments pour découvrir tout ceci : un premier à pied avec Minco et un second avec Ulysse. Ses outils m’ont guidée vers une équitation proche de l’animalité (à cru et dans la présence de l’Être) où le partage vient du cœur, tant dans la position à cheval que dans l’envie. Avec la pratique, ses cavalières arrivent à monter à cheval, à cru et sans mors, en guidant leur compagnon de route par la pensée. Le non palpable, l’invisible, se rend visible dans la création de figures à deux individus intimement liés, le cheval et l’humain.

Lors de mes demi-journées de temps libre je sortais Ulysse en balade pour qu’il continue à stimuler sa musculature et surtout son dos. Petit à petit je le sortais à cru, m’efforçant à être présente, à appliquer la position que Valérie m’avait instruite. Cette nouvelle position à cheval vise à libérer la colonne vertébrale du cheval et à ne plus être assis sur son dos pour le laisser fonctionner librement. Il ne reste ensuite plus qu’à le suivre, à danser en harmonie avec lui, à faire d’un centaure notre union. Comment vous dire que ça vous fait les adducteurs en béton ? Surtout avec les dénivelés montant au Salève ! Mais quel pied d’arriver en haut au milieu des centaines de rapaces (buses, milans et aigles) profitant des influences venteuses pour enjoliver le point de vue sur le lac Léman. Ulysse profite tout aussi bien du spectacle.

Du repos pour de nouvelles découvertes
Les deux semaines filent et je sens que la fatigue est toujours lourdement présente en moi. Je demande alors à Valérie si elle n’aurait pas un pré à me prêter pour une bonne semaine, pour qu’enfin, je prenne du temps pour moi. Elle accepte volontiers en me proposant en contre-partie d’organiser une randonnée de deux jours avec bivouac dans une écurie voisine. Ses quatre cavalières ados et très à l’aise à cheval lui en demandent une depuis un long moment. Valérie n’ayant pas le temps de repérer le terrain et les sentiers en amont me lègue ce trésor ! J’accepte avec enchantement et me mets en route pour sillonner les sentiers du coin, les paysages ruraux, les points de vue, les spots de pause et les points d’eau. Cette opportunité me permet de découvrir davantage les campagnes du coin, de renforcer mon lien avec Ulysse et de tester d’une certaine manière le job d’accompagnateur de tourisme équestre. Quelle aubaine !

Ulysse profite donc d’un charmant petit pré au Sappey, attenant à une vieille bâtisse habitée par des retraités passionnés de chevaux. Ils m’offrent une place pour garer mon camion près du pré d’Ulysse, m’accueille à bras ouverts en me racontant leurs multiples anecdotes équines autour d’un repas délicieux : une boule de polenta au cœur fondant de fromage, recette ancestrale de la mère de Pierre qui tente pour la première fois ce jour-là, de reproduire ses tendres repas d’enfance. Ce fut une réussite !
La randonnée jusqu’à La Bunaz, aux écuries de la Caracole
Après 4 jours de repérage la rando est prête : une vingtaine de kilomètres par jour avec beaucoup de passages en forêt pour éviter les grosses chaleurs. Nous partons à 6 chevaux montés à cru et Bambou la ponette qu’Ezéchiel, un woofeur, tient en longe pour nous accompagner à pied pour ces deux jours de rando (et faire le photographe !!). Nous montons les 300m de dénivelé à travers la forêt jusqu’à la Croisette où nous abreuvons une première fois les chevaux. Pour les filles, c’est le début de l’aventure car après ce village, elles ne sont jamais allées plus loin à cheval ! Nous suivons le GR du Balcon du Léman en direction du Grand Piton. Nous traversons les prairies à vaches aux allures de paysage nordique. Ici nous réalisons un petit galop qui mettra en joie toute notre petite troupe.

Arrivés au Piton, après deux heures de marche, nous prenons la pause du midi à l’ombre avant de redescendre au Sappey en direction du centre équestre de la Caracole. En admirant un magnifique chêne sur le sentier nous loupons l’entrée d’un chemin et nous retrouvons sur un sentier à forte pente nous obligeant à descendre de cheval. Pendant une demi-heure nous descendons ce sentier technique qui fatiguera la plupart des chevaux, sans compter ceux qui se sont fait attaquer par des guêpes. Voilà le goût de l’aventure lorsque l’on randonne à cheval, il faut pouvoir faire face à l’imprévu ! Pendant l’après-midi nous traversons une rivière où les chevaux se rafraîchissent allègrement. Nous arrivons en fin d’après-midi aux écuries sous une chaleur écrasante. Nous prenons le temps de doucher les chevaux avant de les lâcher dans des pâtures qui nous ont été gentiment mises à disposition. Nous avons la chance d’avoir accès aux douches aussi pour nous ! Après quoi nous partageons un chouette repas détendu et ponctué de rires. Nos différences d’âge ne se ressentent pas, les échanges sont entiers. Nous partons nous coucher relativement tôt. Avec Ezéchiel on souhaite dormir à la belle étoile avec une telle chaleur. Au bout d’une demi-heure nous rejoignons les filles sous la yourte mise à disposition, craignant l’orage qui se pointait tout proche. Le matin nous avons tous constaté qu’aucune goutte n’était tombée …

Nous prenons la route vers 10h. Aujourd’hui nous allons sillonner les sentiers d’Arbusigny avant de rentrer jusqu’au Sappey, où les chevaux passeront le week-end en pâture. Nous traversons de multiples sentiers de galets sous les arbres, où la température est agréable ! Nous prenons la pause de midi dans une clairière ombragée par une grande haie. L’après-midi la fatigue de la troupe se fait sentir et il est temps d’arriver après un long passage sur une route à rapide fréquentation… L’ambiance est plus calme aujourd’hui. Nous arrivons en fin d’après-midi à notre destination finale.

Je n’oublierai jamais les magnifiques paysages de cette rando notamment les points de vue sur les Aravis et le mont Blanc. Mais aussi la confiance que m’a accordée Valérie, ses petites blagues à cheval sur sa fidèle Aria, à ses chevaux courageux, aux compétences de ses jeunes cavalières et à la bravoure d’Ezéchiel nous suivant à pied avec Bambou. Merci à tous c’était un régal ! Jusqu’à me demander si ce métier ne me plairait pas … ?
Un nouveau départ
Je passe le week-end au Sappey, où les enfants et petits-enfants du couple Ghirardi viennent passer quelques vacances. Les petits enfants étant de mon âge, nous prenons du temps pour échanger de beaux instants avant que je ne sois invitée à prendre le thé puis plus tard le repas ! Je m’immisce dans le cœur de cette chaleureuse famille entre histoires et rires. Ces instants si imprévus me marquent. Ce sont de belles rencontres comme celles-ci qui m’animent. Je sens que ces échanges avec cette famille m’ont rempli le cœur. C’est la découverte de familles et d’habitudes locales que je souhaite découvrir. A présent je souhaite remplir notre voyage avec Ulysse de rencontres et de découvertes simples et imprévues.
Le 3 août je fais mes adieux à toutes ces belles rencontres de La Muraz et du Sappey qui m’invitent à revenir l’an prochain. Nous partons en direction de Saint-Alban d’Hurtière, dans la ferme bio Croq’Champ d’un couple d’amis, Claire et Ludo installés tout fraîchement depuis mars. Là-bas, pas de woofing à proprement dit ne m’attend, mais de la découverte ! Ulysse s’est bien rétabli et nous pourrons recommencer les randos sellé et arrimé sur place. La Savoie nous appelle !

Estelle & Ulysse
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